31 Déc Micro-oxygénation et effets œnologiques, la flexibilité grâce à la précision du matériel.
L’élevage des vins rouges repose essentiellement sur un processus d’oxydation. L’évolution (positive ou négative) de la couleur, des arômes et de l’astringence se produit sous l’effet d’un seul et unique agent : l’oxygène. Et cela, indépendamment des techniques d’oxygénation ou d’aération choisies, qu’il s’agisse de soutirage, d’élevage en barriques ou de macro et micro-oxygénation. Quel que soit le vin et le style recherché, l’oxygène doit être maîtrisé : sa concentration et son maintien à un niveau faible permet d’éviter de s’exposer à divers problèmes.
L’inertage, la désoxygénation quand cela est nécessaire ainsi que la micro-oxygénation représentent les moyens de maîtriser au mieux l’oxygène présent dans les vins, selon la bonne modalité et la dose souhaitée (et ce n’est pas peu dire). Le reste n’est qu’une simple question de style et de choix, qu’un instrument aux mains du producteur et de l’œnologue.
Les critiques dont cette technique est parfois victime sont entièrement stériles : dirait-on d’un couteau à pain que c’est un instrument nuisible ? Bien sûr que non, tant qu’il ne se trouve pas entre les mains d’un enfant ou à un tueur en série.
Le monde de la recherche nous livre enfin des nouveautés intéressantes qui pourront éclaircir certains points relatifs à la bonne gestion de l’oxygène dans l’affinage des vins rouges.
Quelle quantité d’oxygène pour mon vin ?
Tandis que dans la phase de fermentation, l’oxygène est presque entièrement utilisé par les levures pour leur métabolisme, dans un vin en affinage, ce sont surtout les composés polyphénoliques (tanins et anthocyanes) qui le consomment pour les mécanismes de polymérisation.
En exploitant les résultats de leurs études, Boulton et Singleton de l’université de Davis en Californie, deux pionniers dans l’étude des composés phénoliques et de leurs réactions dans le vin, ont élaboré un schéma représentant la relation possible entre la qualité d’un vin, exprimée par un score sensoriel, et la fourchette de consommation de l’oxygène. En considérant bien entendu que le rapport oxygène/qualité dépend du type de vin (ou plutôt de la quantité de polyphénols réactifs) et que la fourchette rapportée tient compte de tous les apports en oxygène que le vin rencontre dans sa vie (lors de la manutention, des transvasements, de l’affinage en tonneaux de bois, etc), on observe par exemple que dans les vins de type Sherry, la qualité augmente toujours en relation avec le niveau d’oxygène consommé alors que le contraire se produit pour les vins blancs. Pour les vins rouges, au contraire, on remarque une zone au sein de laquelle la qualité augmente en relation avec le niveau d’oxygène, se stabilise, puis diminue. « In medium stat virtus » tandis qu’aux extrémités, figurent les défauts de réduction ou d’oxydation, mais aussi l’absence d’évolution (vous n’avez jamais entendu parler de vins «réduits » ?) ou son excès.
La micro-oxygénation et le respect du style et des caractères variétaux
Dans les vins rouges, la concentration des différents composés phénoliques définit la structure d’un vin et offre une indication sur ses besoins en oxygène et, par conséquent, sur l’ordre de grandeur des dosages à adopter avec la technique de la micro-oxygénation.
Un vin plus tannique aura des besoins en oxygène supérieurs par rapport à un vin peu concentré et plus « fragile », pour lequel il faudra donc utiliser des dosages plus faibles et être plus attentifs à la gestion des risques liés à l’oxydation (dans toutes les phases de son élaboration, et non pas seulement lors de la micro-oxygénation) et à l’évolution des paramètres organoleptiques.
Au moment du choix du dosage, il est nécessaire de définir l’objectif et le style pour lesquels on a recours à la micro-oxygénation, c’est-à-dire l’impact œnologique recherché. N’est-on pas confronté à ce problème lors du choix de l’utilisation du bois (quantité et type de bois neuf à utiliser) ou d’un soutirage?
La micro-oxygénation est parfois critiquée car elle influerait sur le profil organoleptiquedes vins, en les uniformisant et en réduisant leurs différences et typicités dans le seul but de satisfaire un goût global de vins toujours plus « faciles ». Nous répondrons à cette critique en affirmant qu’en réalité, la micro-oxygénation est un instrument avec lequel il est possible de travailler avec différents impacts et selon des dosages variables, des plus faibles et respectueux de la typicité du vin, aux plus élevés qui apportent une évolution plus marquée au vin. Le reste est essentiellement une question de style.
La technique de la micro-oxygénation des vins rouges peut être utilisée différemment et de façon plus ou moins invasive sur les caractéristiques variétales des vins.
Elle peut être utilisée à faible dose (ce que l’on appelle à « faible impact ») afin de fournir l’oxygène nécessaire à l’évolution du vin et de conserver un équilibre d’oxydo-réduction capable d’accentuer les caractéristiques variétales du cépage même en cas d’affinages de longue durée. Telle est l’approche que la société Parsec a toujours proposée depuis sa création, peut-être plus par prudence que par expérience au début, et qui s’est avérée être la meilleure au fil du temps, confirmée par l’expérience et les nouvelles connaissances acquises sur l’évolution des vins rouges.
L’autre style, que nous pouvons définir de « fort impact » sur le profil organoleptique du vin est celui dans lequel on recherche l’assouplissement de tanins et le développement de caractères olfactifs d’évolution tels que la prune ou le chocolat, même en cas d’affinages de courte durée. Un choix justifié et adapté par exemple aux vins un peu végétaux devant être préparés et consommés rapidement.
Au contraire cette approche n’est pas adaptée aux vins qui devront être soumis à de longs affinages en bouteille. Dans ce cas on cherche à mettre en valeur les qualités intrinsèques des vins : la fraicheur arômes variétaux.
L’impact recherché doit être bien clair dès le départ étant donné qu’il détermine non seulement le résultat final mais aussi la durée de garde du produit.
Un nouveau marqueur de vieillissement prématuré des vins rouges
Récemment, des chercheurs français (Dubourdieu et al., 2012) ont identifié un marqueur olfactif et aromatique lié au vieillissement prématuré des vins rouges, désigné sous le nom de Premox, qui peut être associé aux arômes de pruneau, de fruit cuit et de figue sèche. Les responsables de ces arômes seraient la γ-nonalactone et la 3-méthyl-2,4 – nonanedione (MDN) dont la formation se produirait sous des conditions oxydatives.
En particulier, la production de la γ-nonalactone semble être favorisée par certaines conditions de vinification telles qu’un degré de maturation élevé des raisins, une faible concentration en anhydride sulfureux, des pH élevés et une utilisation du bois, avec des niveaux plus élevés (même si inférieurs aux seuils de perception) relevés dans les fûts neufs plutôt que dans ceux de première ou seconde utilisation.
Même au vu de ces nouvelles découvertes, nous pouvons affirmer que l’approche la plus correcte vis-à-vis de la micro-oxygénation est celle que nous avons appelée « à faible impact » dans laquelle, on valorise au mieux la présentation des vins tout en respectant leur fraicheur et leurs caractéristiques variétales.
Les marqueurs aromatiques du vieillissement prématuré offrent un nouvel élément de connaissance quant à la relation complexe entre l’oxygène et le vin et permettent d’améliorer le contrôle des procédés en ayant un objectif à plus long terme, à savoir la phase d’affinage en bouteille, qui est malheureusement bien souvent négligée.
Comme toutes les techniques, l’utilisation de la micro-oxygénation a, elle aussi, traversé différentes périodes. À titre d’exemple, même la barrique a été utilisée sans discernement au cours des dernières décennies, pour arriver aujourd’hui à une utilisation plus rationnelle et réfléchie, dans laquelle on privilégie l’effet technologique et l’on ne recherche plus l’action de diffusion aromatique du bois et de la torréfaction.
La micro-oxygénation a également connu cela : une première période de jeunesse un peu irréfléchie, au cours de laquelle certains œnologues ont recherché un effet marqué et un impact direct sur les caractères des vins. C’est à ce style que s’adressent les critiques qui visent parfois cette technique. Mais désormais, la micro-oxygénation est, elle aussi, arrivée à maturité : on connaît mieux les réactions, on contrôle mieux les phénomènes oxydatifs et la gestion de l’oxygène. On recherche maintenant un moyen précis pour amener des vin à leur apogée toute en respectant leur typicité et leur fraicheur représentatives d’un cépage et d’un aire d’appellation. Toutefois, même lors de cette période de jeunesse, certains ont été moins irréfléchis que d’autres. Sans vouloir passer pour des donneurs de leçons, chez Parsec, nous avons toujours préconisé le procédé de faible impact de l’oxygène sur le vin.
No Comments